Ceux qui suivent l’incident Baupin se demanderont s’il y a beaucoup de monstres dans son genre qui peuple notre planète. Vous remarquez qu’à mesure que la parole de ses collaboratrices se libère, le nombre d’histoires flippantes racontées par les femmes autour de vous se multiplie aussi comme des lapins dans un sous-bois. Elles ne s’appellent pas Sandrine Rousseau, Annie Lahmer, Geneviève Zdrojewski, Isabelle Attard, Elen Debost ou Laurence Mermet, mais ta soeur, ton amie, ton amante, ta boulangère, ta mère. Ayez le courage d’entendre dire que « les hommes » sont ainsi, qu’un mec est un mec, et vous avez fait votre introspection. Tu ne te souviens pas d’avoir été un jour un gros plouc. D’avoir dragué lourdement, d’avoir insisté, d’avoir fait semblant de ne pas remarquer que vous étiez mal à l’aise, d’avoir ignoré un refus, d’avoir peloté sans invitation, juste parce que tu en avais envie. Tu finiras par avoir honte de la frange « gros salaud » de tes semblables.
Tout comme ta sœur, ton amie, ton amante, ta boulangère et ta mère, tu as grandi dans une société qui valorise chez les hommes et les femmes ce que certains appellent la grivoiserie (ça fait mignon), que d’autres appellent la gauloiserie (c’est la fierté nationale) et que moi j’appelle la domination (c’est la réalité). On t’a dit qu’un homme, un vrai mec, ça prend de la place, qu’il s’impose avec sa bite. Mars et Vénus aidant, nous avons voulu te faire croire qu’un homme qui sait ce qu’il veut, ça l’obtient, c’est un peu bourrin, et une femme, par contre, oh c’est subtil, c’est compliqué, ça aime dire quelque chose et faire son contraire pour brouiller les pistes. Donc “oui” et “non”, classiquement, peuvent aussi signifier “non” et “oui”, avec toutes ces subtiles subtilités féminines. Mais tu sais que ce n’est qu’un énorme paquet de conneries. La preuve en est que tu lis cette lettre.
Quand, début juin, Anne Hidalgo a été témoin de la « balourderie » de son collègue élu Philippe Pemezec en pleine cérémonie publique – il a jugé drôle de beugler à la cantonade que ceux qui ont interagi avec la mairie de Paris voulaient probablement « se faire tailler des pipes » –, elle n’était pas seule. Elle était entourée d’hommes, plus ou moins bienveillants, plus ou moins conscients qu’on a voulu leur faire avaler un tas de conneries sur leur « nature de mâles », plus ou moins sensibles à l’humour délicieux de Pemezec. Il y a eu ceux qui n’ont rien dit, et puis il y a eu Stéphane Troussel, un autre collègue élu, qui a tout de suite remis le déséquilibré à sa place.
Que se passerait-il si la plupart des gens comme Stéphane Troussel et les comme toi, à Clamart, étaient en majorité numérique ce jour-là ? Le déséquilibré aurait été bien seul. Vous l’auriez tous mouché. Il y aurait eu plus de doigts pointés sur son inélégance et sur le sexisme de ses propos que de rires gênés et de silences encourageants. Vous auriez soutenu l’indignation d’Hidalgo et rétabli que les femmes ne sont pas plus des objets sexuels que les hommes ne sont des pénis sur pattes qui tournent aux blagues de Bigard.
Alors, cher homme, deviens un allié du féminisme. Montre qu’un homme, un vrai, c’en est un qui a compris qu’il fallait mettre fin à ce genre d’absurdités.